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Une 50e Tournée sur les plantes fourragères en Abitibi-Témiscamingue

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La Tournée sur les plantes fourragères a célébré sa 50e édition en juin dernier en Abitibi-Témiscamingue. Ayant vu le jour en 1973 dans la région, la Tournée devait souligner cet anniversaire en 2023, mais l'événement n'avait pas pu se tenir en raison des feux de forêt.

Rappelons que la Tournée sur les plantes fourragères est une activité extérieure qui propose la visite de plusieurs champs et entreprises actives dans la production et la commercialisation de plantes fourragères. Des producteurs agricoles du Québec accueillent la Tournée sur leur ferme, ce qui permet aux participants d’interagir avec les divers intervenants en plantes fourragères.

À l’instar des éditions précédentes, l’activité a été couronnée de succès en raison des multiples sujets d’actualité abordés, de l’accueil cordial des producteurs hôtes et de la contribution de nombreux collaborateurs. Environ 50 personnes y ont pris part, chaque jour. Globalement, les entreprises visitées ont dû composer avec la pénurie de foin causée par les conditions de sécheresse et les feux de forêt en 2023. Les producteurs ont fait preuve de résilience en fonction de leur situation. 

Première journée
La Tournée a débuté par la visite de la Ferme Métivier à Laverlochère. Patrick Métivier, accompagné de son conseiller Danik Sarrazin de Services Agritem, a présenté les différentes pratiques qu’ils ont adoptées pour la production de foin de commerce. Producteur laitier jusqu’en 2022, M. Métivier a converti et adapté sa ferme pour la production de foin de commerce en petites balles avec le système cardinal (photo 1).

 


Photo 1 : Système de séchage du foin

Avec une rotation tous les trois à quatre ans, il vise le maintien de la fertilité de son sol. La présence de luzerne, et son système racinaire plus profond, permet une meilleure utilisation de l’eau dans le sol, surtout dans des conditions de sécheresse. Actuellement, 40 % des champs de M. Métivier sont en transition biologique. Nous avons observé les effets du déchaussement de la luzerne (photo 2) ainsi que de la fauche automnale tardive sur la survie et la vigueur de cette plante.

 
Photo 2 : Plant de luzerne déchaussé

La deuxième visite s’est déroulée à la Ferme Bérichel et Fils 2007 inc. à Saint-Bruno-de-Guigues (photo 3). Martin Bérubé, accompagné de sa conseillère Josée Falardeau de Synagri, a présenté ses pratiques basées sur les besoins des animaux. Pour ce producteur, il faut gérer la production, la récolte et la gestion postrécolte selon les besoins des animaux. « Il faut voir ce que les vaches mangent », disait-il.

Ayant connu des problèmes de toxines il y a quelques années, M. Bérubé a su corriger le problème. Il conseille de travailler sur un bon chantier de récolte et une bonne conservation : à chaque coupe, un même silo. Nous avons pu constater les effets de la grande quantité de biomasse qui a été laissée au champ à l’automne et qui est toujours présente à la première coupe. Cette biomasse est desséchée et écrasée au sol (photo 4). Il est très important d’ajuster la hauteur de coupe afin de ne pas la ramasser : ces résidus sont secs et affecteraient l’ensilabilité de la coupe, sa qualité et sa valeur nutritive. Plusieurs essais de fertilisation et de sursemis ont été réalisés par cette entreprise.

 


Photo 3 : Visite à la Ferme Bérichel et Fils 2007 inc.


Photo 4 : Résidus de luzerne de l’année précédente écrasés au sol

La Tournée s’est poursuivie avec la visite d’un site de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), à Notre-Dame-du-Nord, et plus précisément de l’Unité de recherche et de développement en agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue (URDAAT). Construite récemment avec des matériaux écologiques, l’infrastructure abrite des laboratoires à la fine pointe de la technologie.

 

Vincent Poirier, directeur scientifique de l’URDAAT et du Laboratoire d'analyse agricole, a d’abord présenté l’URDAAT et le microprogramme de deuxième cycle en agriculture fourragère. Par la suite, les étudiants au doctorat Simon Lafontaine et Werbson Lima-Barosso ont exposé leurs travaux de recherche. Ces derniers portaient respectivement sur les pâturages agroforestiers pour une production bovine écoresponsable (Écoboeuf) et sur les traits racinaires et la colonisation mycorhizienne des plantes fourragères. Enfin, Julie Rannou, technicienne en laboratoire, accompagnée de Werbson Lima-Barosso a fait visiter les installations. 

Cette première journée s’est conclue par la visite de la ferme Ranch du Coyote à Nédélec (photos 5 et 6). Yves Marcoux, accompagné de sa conseillère Lucie Rioux du Club Fertilisation 2000, a présenté son entreprise spécialisée en production biologique de bovins de boucherie. Dans une rotation sans gluten, M. Marcoux intègre les grains (céréales et chanvre sur environ 140 hectares) dans sa production fourragère (120 hectares environ). Il combine aussi le foin et le pâturage : trois ans de foin et un an de pâturage intensif suivi du labour. Il utilise les mélanges de légumineuses et de graminées pour la production fourragère en raison de leur complémentarité.

M. Marcoux est un adepte du labour de printemps, qui vise à réduire la pression exercée par les mauvaises herbes et surtout à laisser le champ à nu le moins longtemps possible. Il dispose d’un bon parc d’équipement pour les différents travaux et le labour du sol argileux, qu’il appelle l’argile blanche. Très dynamique, ce producteur passionné participe à plusieurs projets réalisés par l’UQAT.

 

     
Photos 5 et 6 : Visite de la ferme Ranch du Coyote (à gauche, la visite au champ. À droite, le parc d’équipement.)

 

Deuxième journée

Le deuxième jour de la Tournée a commencé par la visite de la Ferme Micar, à Sainte-Germaine-Boulé. Marie-Pier Landry, du Centre d’initiatives en agriculture de la région de Coaticook, a d’abord présenté Écoboeuf. Ce projet est soutenu par le Fonds d’action à la ferme pour le climat. Ce fonds aide les producteurs à adopter des pratiques de gestion bénéfiques visant à stocker le carbone et à réduire les émissions de gaz à effet de serre par la rotation des pâturages, entre autres. Mikaël Roy, propriétaire de la ferme, et son conseiller Vincent Chrétien de Sollio Agriculture sont satisfaits des résultats de ce projet et des améliorations quant à la gestion du pâturage à la ferme (photo 7). 

La visite s’est poursuivie dans une prairie aux sols un peu acides qui a été implantée avec un mélange composé à 60 % de fléole des prés et à 40 % de lotier (photo 8). Dans une production sans intrant chimique, M. Roy préfère le millet japonais comme plante-abri, puisqu’il sèche plus rapidement. Ce vaillant producteur de bovins de boucherie utilise son pâturage à son maximum et complète l’alimentation avec du foin semi-sec. Ses prairies et ses pâturages durent plus de six ans, et parfois même jusqu’à douze ans. 


Photo 7 : Présentation du projet Écoboeuf à la Ferme Micar


Photo 8 : Visite à la Ferme Micar

 

Les participants se sont ensuite rendus à la Ferme Des Pics inc. à Palmarolle. Les propriétaires Maxime Fontaine et Laurie Lalancette, accompagnés de leur conseiller Vincent Chrétien, nous ont accueillis autour d’un profil de sol (photo 9). Cela dénote l’importance de la santé des sols pour ces producteurs de troisième génération qui sont également très assidus quant au suivi de leurs cultures et de leurs rendements. La luzerne est bien implantée (photos 10 et 11).

Les sols de cette entreprise sont argileux et limoneux, et leurs taux de matière organique atteignent jusqu’à 11 %. Le chaulage y est géoréférencé en raison de la variabilité dans les champs. La sécheresse de 2023 les a affectés, tout comme la majorité des producteurs de la région. Elle s’est traduite par une baisse importante des rendements en fourrage : ils atteignaient 5,4 tonnes de matière sèche par hectare en 2023, comparativement à environ 11,4 en 2022. Ils ont dû implanter de l’avoine en semis direct pour combler leurs besoins en fourrage. 

Pour répondre aux besoins de leur troupeau, ils ne font que des prairies (cinq ans) et du maïs ensilage. Ils investissent dans le chaulage afin de faciliter l’implantation de la luzerne (pH entre 6,2 et 6,7), qui occupe 75 % du mélange avec de la fléole des prés (20 %) et du dactyle (5 %). Les propriétaires ont commencé à produire le maïs sous paillis de plastique (photo 12), mais ils envisagent d’arrêter cette pratique en raison des changements climatiques et du réchauffement des températures.

 

    
Photo 9 : Visite autour d’un profil de sol à la Ferme Des Pics inc. 

       
Photos 10 et 11 : champ de luzerne visité (gauche) et racines de la luzerne bien implantée (droite)

        
Photo 12 : Maïs sous paillis de plastique

Compte tenu du manque de foin en 2023, les propriétaires ont fait une troisième coupe à l’automne, ce qui a causé des dommages hivernaux à la prairie (photo 13). 


Photo 13 : Dommages à la prairie à la suite de la troisième coupe à l’automne

La Tournée s’est ensuite déplacée à la Ferme D.J. Frappier inc. à Macamic (photo 14). Producteur de bovins de boucherie de la quatrième génération, Dany Frappier possède environ 500 têtes de vaches-veaux et dispose d’un parc d’engraissement de 1 000 têtes qui pourrait être agrandi. Il a avant tout choisi la production de bovins de boucherie parce qu’il peut produire son propre grain qui est adapté à la région. 

Accompagné de son conseiller Vincent Chrétien, M. Frappier a présenté les différentes pratiques à sa ferme. Pour ce producteur, le nivellement de surface de ses terres (généralement de l’argile et de la terre noire) est d’une importance capitale. La présence de pentes favorise le drainage des terres. 


Photo 14 : Visite à la Ferme D.J. Frappier inc.

M. Frappier dispose d’une grande superficie de terre en propriété ou en location. En matière de rotation, on y retrouve des prairies (majoritairement), des céréales et du canola (pour la vente). Son mélange fourrager est constitué de luzerne (45 %), de fléole des prés (45 %) et de fétuque (10 %). Dans un souci d’optimiser ses rendements, il fertilise adéquatement ses cultures en ajoutant du calcium, du magnésium et du bore lors de l’implantation qui est faite sans plante-abri. En plus du fumier appliqué au printemps, il comble les besoins en fertilisation avec de l’engrais 38-0-0 et 19-28-11 avec 6 % de bore. Il fait deux coupes pour la production d’ensilage dans lequel il ajoute un inoculant. 

Malgré toutes les précautions prises pour optimiser ses rendements, M. Frappier a aussi été affecté par la sécheresse de 2023. Il constate avec peine que les déficits hydriques sont de plus en plus fréquents. Pour conclure, il a rappelé que la rentabilité de la ferme passe par l’amélioration des champs. 

La Tournée s’est conclue par la visite de la Ferme Lafontaine-Noël à Dupuy. Éric Lafontaine nous a accueillis dans une voiturette (photo 15) utilisée spécialement pour le 100e anniversaire de l’entreprise.


Photo 15 : Accueil dans la voiturette du 100e anniversaire de la Ferme Lafontaine-Noël

M. Lafontaine, accompagné de son conseiller Vincent Chrétien, a présenté son entreprise. Avec 350 vaches à nourrir, la ferme s’est spécialisée dans la production de plantes fourragères (50 % de foin, 50 % de pâturage). Elle cultive environ quatre hectares de maïs ensilage. Les propriétaires de la ferme sont conscients de l’importance du pâturage (plus important que la récolte), qu’ils commencent tôt au printemps et finissent tard à l’automne, pour un total de 165 à 180 jours de pâturage par saison. 

La visite s’est poursuivie dans le champ avec la présentation du projet de sylvopastoralisme, soit un pâturage adaptatif multiparcelles (photos 16 et 17). Frédérique Lavallée, étudiante au doctorat, accompagnée de son directeur de thèse Vincent Poirier de l’UQAT et de Simon Lafontaine, a présenté les différents traitements comparés : pâturage sans rotation et pâturage amélioré avec rotation. Les essais visent non seulement à évaluer le stockage du carbone dans les sols selon les différents systèmes agroforestiers et de paissance, mais également à déterminer leur incidence sur la biodiversité. 

Sur les terres de l’entreprise, les excréments d’animaux sont les seules sources de fertilisants au pâturage. La gestion des paissances se fait sur la base du stade de croissance de la plante plutôt que sur la base de sa hauteur. Il est important de laisser la plante faire ses réserves avant l’hiver pour ne pas affecter sa survie. 

 
Photos 16 et 17 : Visite du pâturage adaptatif multiparcelles (présentation du projet à gauche et parcelles à droite)  

Le comité plantes fourragères du CRAAQ tient à remercier tous les producteurs agricoles qui ont accueilli les participants et assuré le succès de la Tournée. Merci également :

  • aux membres du comité organisateur : Julie Lajeunesse (AAC), Josée Falardeau et Christian Duchesneau (Synagri), Darquise Froment, France Bélanger et Ayitre Akpakouma (MAPAQ);

  • à l’équipe du CRAAQ et aux collaborateurs qui ont partagé leurs connaissances et donné de leur précieux temps pour mener à bien cette activité;

  • aux différents partenaires ayant appuyé cet événement : le Réseau Agriconseils de l’Abitibi, la MRC d’Abitibi-Ouest, Synagri,  le Conseil québécois des plantes fourragères et MCK Temiskaming Shores Kubota.

 

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